De la communauté idéale à la communauté donnée par Dieu.

De la communauté idéale à la communauté donnée par Dieu.

Dietrich Bonhoeffer : De la vie communautaire

“Il est de la plus grande importance que ceci soit clair dès le début : la fraternité chrétienne n’est pas un idéal, mais une réalité donnée par Dieu. C’est précisément le chrétien sérieux, entré pour la première fois dans une communauté de vie chrétienne, qui apportera souvent avec lui un idéal très précis de ce qu’elle doit être et s’efforcera de le réaliser. Mais c’est la grâce de Dieu qui mène rapidement à l’échec toutes ces sortes de rêves. C’est quand nous sommes submergés par une grande désillusion sur les autres, sur les chrétiens en général, et si tout va bien, sur nous-mêmes que Dieu veut nous conduire à la connaissance d’une véritable vie chrétienne. C’est par pure grâce que Dieu ne permet pas que nous vivions, ne serait-ce que quelques semaines, selon une image chimérique, que nous nous abandonnions à ces expériences exaltantes et à cet emballement gratifiant qui nous envahit comme une ivresse.

 Car Dieu n’est pas un Dieu d’émotions sentimentales, mais un Dieu de vérité. C’est pourquoi, seule la communauté qui entre dans la grande désillusion qu’elle éprouvera avec tous les phénomènes désagréables et négatifs qu’elle peut connaître, commence à devenir ce qu’elle doit être devant Dieu et à saisir dans la foi la promesse qui lui est donnée.

Plus l’heure de cette désillusion sonne tôt pour le croyant et pour la communauté, mieux cela vaut pour tous les deux, Mais une communauté qui ne supporterait pas une telle désillusion et qui ne la traverserait pas, qui s’accroche par conséquent à son illusion, alors qu’elle devrait la voir se briser : devra tôt ou tard faire faillite.

 Dieu hait la rêverie, car elle rend orgueilleux et prétentieux. Celui qui rêve de l’image idéale d’une communauté, celui-là exige de Dieu, des autres et de lui-même qu’elle se réalise, il se présente dans la communauté des chrétiens avec ses exigences, érige une loi qui lui est propre, en fonction de laquelle il juge les frères et Dieu lui-même. Il s’impose avec dureté et comme un reproche vivant pour tous les autres dans le cercle des frères. Il agit comme s’il avait d’abord à créer la communauté chrétienne, comme si son idéal imaginaire devait tisser les liens qui unissent les êtres humains. Ce qui ne va pas selon sa volonté, il le considère comme un échec ; là où son rêve se brise, il voit la communauté s’effondrer : Ainsi devient-il l’accusateur de ses frères, puis l’accusateur de Dieu et enfin l’accusateur désespéré de lui-même.”

Dietrich Bonhoeffer, De la vie communautaire, Labor et Fides, 2007, p. 30 ss, Adapté par Daniel Bourguet, Marc, l’Evangile médité par les pères, Ed Olivétan, p. 141.

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