DE L’USAGE DES PSAUMES ou le HASARD ET LA PAROLE, un cas d’école : le psaume 139
Notre paroisse est équipée en permanence de petites cartes comportant un verset biblique. Comme elles présentent au verso de jolies photographies sur le mode apaisant, elles sont volontiers reçues, bien au-delà du cercle des personnes baptisées et même de celui des personnes croyantes ou non-croyantes.
Elles sont donc systématiquement proposées
– pendant le culte, au moment de la sainte cène, aux personnes de tous âges qui ne souhaitent pas prendre la communion
– pendant les braderies, sur nos stands
– aux temps d’accueil hebdomadaires ouverts à tou.tes sur la principale artère fivoise. Elles y donnent lieu à une sorte de jeu devenu quasi rituel : on présente un paquet de ces cartes et chaque personne en puise une au hasard, puis lit à voix haute le morceau de parole reçu. Ça ne débouche pas forcément sur de hautes envolées théologiques, mais ouvre une fenêtre sur un modeste temps spirituel.
C’est ainsi qu’une fois (les détails sont un peu modifiés par souci d’anonymat), au début du temps d’accueil, malgré la bienveillance censée s’imposer en ce lieu, des propos peu amènes étaient échangés, volaient bas, très bas, à l’encontre d’un habitué, absent à ce moment-là. Taxé de méchant, voleur, menteur, bruyant, sale et puant, il a été rhabillé pour l’hiver !
Arrive alors l’intéressé, tardivement. Dès lors, les conversations partent sur d’autres pistes ; puis vient le temps de tirer les « petites cartes ». Chaque personne y va de sa lecture et vient le tour du mal-aimé dont la présence pèse sur les autres. Et que nous a-t-il lu, déchiffrant laborieusement ? Ce passage du psaume 139, verset 14 : « Éternel, je te loue de ce que je suis une créature si merveilleuse ».
Et toc !
En admettant que le Saint-Esprit guide le tirage au hasard, cet après-midi-là, il s’est montré facétieux… et redresseur : la leçon fut sévère pour les mal-disant.es !!
Dans un registre semblable mais un autre contexte – l’aumônerie en hôpital -, un patient ayant souhaité recevoir une bible, nous lui en avons donné une et, afin de personnaliser quelque peu le don, j’y ai glissé une de ces petites cartes. Au bureau de l’aumônerie, j’en prends une au hasard dans le tas et, fort heureusement, la lis avant de l’insérer dans le livre. Il s’agissait aussi du psaume 139, ce passage :
« Éternel, tu sais quand je me lève … et tu sais quand je marche ».
Or le récipiendaire de la bible, après la première il y a six mois, venait juste d’être amputé de sa seconde jambe.
En admettant que le Saint-Esprit guide le tirage au hasard, cet après-midi-là, il s’est montré facétieux… et provocateur !
La carte a vite été remise dans le tas et une autre a été tirée, soigneusement choisie.
Certes la parole est unique et pas un iota n’en peut être changé … mais elle ne s’applique pas uniformément à tou.tes et à tout moment, car nous, nous sommes divers.es et pas toujours prêt.es à l’entendre. Or la bonne parole, qui guide ou qui réconforte, est celle qui peut être entendue.
Jean-François Bonhomme
