Voici l’hippopotame. (…) Je l’ai fait comme je t’ai fait. (…) Ses os sont aussi solides que des tubes de bronze, ses côtes sont comme des barres de fer. C’est lui le chef-d’œuvre de tout ce que Dieu a fait ! (…) Le fleuve se déchaîne, mais lui ne s’émeut pas. Un Jourdain lui jaillirait à la gueule sans qu’il bronche. Job 40 versets 15, 18, 19a & 23.
La bible n’est pas à proprement parler un recueil humoristique ; mais ici on dirait bien qu’il cherche à nous faire rire, celui qui siège dans le ciel. Pensez : désigner l’hippopotame comme son chef d’œuvre !
Un hippopotame, tout le monde sait ça, c’est bedonnant, pataud, de couleur terne, sans grâce, bref : pas beau. Son intelligence ? Nullement démontrée. Son grognement ? Ridicule.
Pour qui parcourt n’importe quel zoo de la planète, il y découvre tant et tant d’autres animaux bien plus aguichants, qui pourraient revendiquer une place sur le podium des chefs d’œuvre de la création. Pourtant, quand Dieu veut montrer sa toute puissance créatrice, s’en vanter même, il place l’hippopotame tout en haut.
Non, ce n’est pas de l’humour. Dans leur dialogue dramatique, ni Job ni Dieu n’ont le cœur à rire, celui-là étant en dépression et celui-ci voulant ramener Job à la raison, à l’espérance.
Regardons donc la bestiole de plus près, en essayant de chausser les lunettes de son créateur ; que dit le texte ?
– dans sa nage, l’hippopotame n’est pas perturbé malgré un fort courant
– même s’il s’en prend plein la gueule, il reste imperturbable.
Cela ne rappelle-t-il pas quelqu’un, ô lectrice, lecteur de la bible ? Tel le serviteur souffrant annoncé par le prophète Ésaïe (« face aux outrages et aux crachats… j’ai rendu mon visage dur comme un silex »), il reste de marbre dans la tourmente. Il ne dévie pas de son chemin, il se comporte comme un roc. Lui dont « aucun de ses os ne fût brisé » (Jean 19, 36).
Pour Dieu, son chef d’œuvre n’est pas une fine silhouette comme la gazelle ni même une belle roue de couleur comme celle du paon. Pour nous, humains supposés être sa création la plus aboutie, ce qui lui importe c’est la solidité et la force intérieure de chacun.e de nous.
Décidément, ses pensées ne sont pas nos pensées.
Mais quand même… l’hippopotame, il fallait oser !
Olivier Gerhard et Jean-François Bonhomme